vendredi 15 avril 2016

Laurence Rossignol et les femmes musulmanes voilées (1er témoignage)

Le 31 mars dernier, Laurence Rossignol, la ministre de la famille, de l'enfance et des droits des femmes (rien que ça?), a comparé les femmes musulmanes qui se voilent aux "nègres américains" favorables à l'esclavage (la vidéo complète) Pour elle, comme pour le Premier Ministre ou certaines féministes, le voile n'est qu'un signe d'asservissement de la femme, un outil d'oppression. Ce qui est vrai dans des pays comme l'Iran ne l'est pas forcément en France. Iels confisquent la parole des concernées (ici les femmes qui portent le hijab). J'ai fait une vidéo à ce propos, avec quelques témoignages de jeunes femmes musulmanes qui portent le voile. Parce que j'estime que la parole de ces femmes n'est pas entendue, alors que les politiques, des féministes TM et des lambdas non concerné.e.s par les questions de l'islam se permettent de l'ouvrir, trop l'ouvrir.
La blogueuse Rozah Parks en parle très bien également dans son article. 



Voici le témoignage de Mariam, 31 ans, mère au foyer et étudiante à l’IED en licence Psy (rattaché à Paris 8):

1) Qu'est-ce que ça te fait de voir des féministes ou des journalistes affirmer que "le voile est un outil d'oppression et de soumission de la femme"?

Mon premier sentiment est la colère. Clairement. Puis, je me mets à raisonner comme le devraient les journalistes. J’ai googelisé les définitions oppression, voile, soumission, outil.

- Comment définir "oppression": l'oppression est le mauvais traitement systématique d'un groupe social avec le soutien des structures de la société oppressive. Racisme, sexisme, homophobie, l'antisémitisme en sont des exemples d'oppression.
Si je me base sur ces définitions, je ne vis pas de mauvais traitement systématique imposé par un groupe social pour porter ce hijab (oppression). Je dirais même l'inverse, je me sens oppressée par la société dans laquelle j'évolue en tant qu'individu qui m’incite à me dévoiler.

- Comment définir "outil": synonyme moyen, instrument ; ce qui permet d'obtenir un résultat, d'agir sur quelque chose. Mon voile (outil) ne me permet pas d'obtenir un quelconque résultat si ce n'est spirituel. Il n'est pas un instrument dont j'use dans un but précis. Je n'en tire aucun bénéfice si ce n'est un bénéfice intime, c'est à dire spirituelle. Il est visible et est un référent direct à une religion.  Il n' agit sur personne. Il n'a donc aucun rôle en tant qu'outil.

- Comment définir "soumission" : Action de mettre ou fait de se mettre sous le pouvoir d'une autorité contre laquelle on a lutté ; privation d'indépendance qui en résulte : La soumission de la Grèce à l'Empire ottoman.
La soumission c’est l'action de se mettre sous une autorité. Une autorité contre laquelle il faut lutter. Dans mon cas, je me soumets à une soumission divine contre qui je n'ai absolument pas lutté. Aucune divinité n'est venue me priver d'indépendance dans ma vie. Aucune divinité n'est venue entraver ma personne en tant qu'individu. Cela peut paraître complètement dingue aux yeux des personnes athées et je peux le comprendre.

- Comment définir le "voile" : Le hijab (arabe : حِجَاب, hijāb) désigne, de nos jours, plus particulièrement le voile que certaines femmes musulmanes disposent sur leur tête en laissant le visage apparent. Le hijab est également appelé "voile islamique". Le hijab est un vêtement, un voile une parure, un bout de tissu qui habille le reste de mon corps comme un gilet, un manteau ou une paire de chaussures. Il est le prolongement de ma tenue au quotidien. Comme une culotte ou un soutien-gorge, il m'est indispensable. Mais ce n’est finalement qu’un couvre-chef qui a une signification pour les croyants.

Pour conclure et répondre à la première question : "le voile est un outil d'oppression et de soumission de la femme" selon la définition des termes utilisés dans cette question : non le voile ne peut pas être selon les définitions françaises un outil d'oppression et de soumission de la femme. Au quotidien, mon voile est mon choix en toute conscience.

2) Quelle a été ta réaction en voyant l'interview de Laurence Rossignol? (Surtout la comparaison avec les esclaves).

Je suis restée sans voix ...vraiment. Elle compare la traite d'êtres humains à une pratique religieuse....Le gap est énorme. Le mot "nègre" est sorti tellement naturellement de sa bouche que j'en suis resté bouche bée. Elle a buté sur les mots "africains", "américains", mais pas sur le mot "nègre".

Ma première pensée a été pour les afrofems [ndlr: afroféministes] que je suis sur Twitter oui oui, vraiment. L’islamophobie je l'ai ressenti, mais en second plan. J'ai eu envie de pleurer. Je me suis dit les nanas elles bataillent comme des dingues, et là, la ministre de la famille, (de la famille !!) sort dans le plus grand des calmes le mot "nègre" et compare la traite d’êtres humains, l’esclave "consenti" au port du voile… je ne comprenais plus rien ... Je vois son propos comme une négation de l’existence de l’esclavage. Le pseudo "consentement" dégage les blancs de toute responsabilité. Nier le passé, c’est nier l’histoire des descendants d’esclaves et donc par essence un potentiel avenir.

3) Qu’est-ce que tu aimerais lui dire si elle était face à toi ?

J’ai envie de lui dire qu’en tant que Ministre de la famille comparer une femme voilée à la traite d’hommes, de femmes et d’enfants noirs démontre que son sens de la famille est inexistant. Des familles entières, des générations entières ont vécu l’esclavage. Elle déshonore son titre de ministre de la Famille. Il y a beaucoup de témoignages de personnes juives ayant survécu  aux camps de concentration. Certaines d’entre elles expliquent qu’ils ont survécu grâce à la délation, à de la dénonciation et à d’autres subterfuges dont elles- mêmes ne sont pas fières. Cela fait-il d’elles
des personnes consentantes à l’extermination des juifs ?

4) À partir de quand as-tu commencé à porter le voile ? Qu’est-ce qui t’a motivé à le porter ?

Entre le voile et moi c’est une histoire d’amour qui dure depuis la 4ème. Les premières fois que je l’ai porté j’étais jeune. Au collège pour faire un peu comme mes grandes sœurs et parce que j’ai grandi dans une famille très pratiquante. Puis naturellement, j’ai continué à le porter au lycée en même temps que ma quête spirituelle avançait. Avec lui j’ai connu des hauts et des bas. Je l’ai souvent remis en cause lorsque je devais le retirer en approchant du travail/ stage. Je l’ai souvent "glamourisé" pour ne pas avoir de remarques lorsque j’habitais à Paris (pendant 5 ans). On me ramené souvent à cette condition de femme voilée soumise. On me disait souvent de manière différente : ce voile t’enlaidit/ tu ressembles à une cloche de Pâques… En tant que femme coquette, ces discours ont fini par avoir un impact sur la considération que je portais à mon voile. J’ai pris du recul. Je me suis posé plein de questions et au fur à mesure que je trouvais mes réponses je retrouvais ma confiance en lui. J’ai fini par l’aimer avec sincérité sans me soucier du regard des gens, car finalement ce qui me dérangeait c’était ce regard de pitié qui était /est toujours posé sur moi.  Je sais que dans quelque temps, je vais devoir jongler avec. Les stages arriveront...

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