dimanche 28 septembre 2014

Être une fille aux Comores, ce n'est pas simple


Ça y est, les vacances sont terminées. Je suis rentrée et j'ai repris les cours. Mariage, ambiance barbeuc, j'ai pas chômé pendant mon mois de vacances. Mais ces vacances ont un arrière goût assez amer à cause d'une chose: être une jeune fille aux Comores, ce n'est pas facile, surtout avec ma famille.

Pourquoi je dis ça? Déjà parce que d'après mon oncle (que je surnommerais Nerveux) "une jeune fille n'est pas libre aux Comores". Et comme l'a dit une Twitta (Colonel Nass', si tu passes par ici!) "La vie de prisonnière comorienne: le seul champ d'accès qu'on te laisse se situe entre ta chambre, les toilettes et la gazinière". En bref, la journée d'une jeune fille aux Comores se résumerait à "Ménage, cuisine, ménage, cuisine, dodo". Sans sortir.

Ma petite soeur en a fait les frais. Si je pouvais résumer son calvaire, ça serait avec ce couplet de la chanson de Stromae:
" Tu sors trop, du moins c'est ce qu'ils disent
Ils parlent trop, c'est pourquoi tes oreilles sifflent
À qui la faute ? C'est la faute à autrui, hein ?
C'est les autres, toi tu n'as qu'une seule envie..."



Bref, pour la petite anecdote, ma soeur sortait. Pour voir la famille, voir les potes, voir la cousine qui se mariait cet été... Mais allez savoir pourquoi, un oncle est parti raconter que ma soeur "cherchait les garçons", et que donc c'était une mauvaise fréquentation. Généralement, quand tu accuses, tu apportes une preuve, ou du moins tu expliques ce que tu as vu (étant donné qu'aux Comores, tout fonctionne sur du visuel...). Mais là non. Sans compter qu'on l'a aussi accusé d'avoir mal parlé à un autre oncle (oui dans ma famille y en a beaucoup!!). J'vous raconte pas quand le Nerveux a débarqué pendant les préparatifs d'un mariage comme une tornade pour me faire une mise au point! J'vous raconte pas comment il s'est fait plaisir à nous humilier devant la famille. ça s'est fini dans la douleur et l'incertitude: on ne sait toujours pas ce qu'on a reproché à ma soeur, on s'en est pris plein la face, on l'a accusé d'avoir mal parler et d'avoir été insolente...

Là où je voudrais vous amener avec cette anecdote, c'est non seulement à la phrase que mon oncle Nerveux a balancé (celle du début, sur les jeunes filles pas libres), mais aussi sur ça: il estime qu'il n'y a pas de droits de l'enfant, ni de droits de la femme, et encore moins d'égalité des sexes aux Comores. Bon je ne vous cache pas que je suis féministe, et qu'il y a des trucs que j'aimerais bien qu'on change dans la société de là bas, mais là n'est pas le sujet. Là où Nerveux voulait en venir, c'est qu'en France les femmes pouvaient faire ce qu'elles voulaient, mais pas aux Comores (je le rappelle, pour lui, on est pas libre). Et dans sa bouche, faire ce qu'on veut signifie surtout faire n'importe quoi (fumer, boire, mal parler, coucher avec les garçons...). Nerveux nous a carrément reproché de trainer avec des garçons, chez une de nos tantes. Hum, je signale que ces garçons sont des cousins. Une fille avec un garçon, quel qu’il soit, c'est une hérésie...
Personnellement, j'ai plutôt la sensation que les filles indépendantes leur font peur. Une fille qui sort et qui n'a pas peur de se faire réprimander, ça fait peur à ces hommes, à cet oncle qui aimerait sûrement qu'on reste à la maison. Une fille qui a la même attitude en France qu'aux Comores, c'est bizarre. La place d'une fille, c'est à la maison, point final.

Toute cette affaire pointe un souci: la mentalité des gens. La moindre chose que tu fais là bas peut conduire à des situations assez spéciales. Dès que tu sors des clous imposés, t'es catalogué. Et c'est pas des inconnus qui te cataloguent, mais souvent des gens proches de toi. Et parfois, ils réinterprètent ce qu'ils ont vu. C'est un coup à te gâcher les vacances ça!
Au final, on ne sait pas ce qu'on reproche à ma soeur, la frangine et moi sommes cataloguées comme des filles pas sérieuses. Tout ça parce qu'on est sortie de la "bonne voie" à suivre quand on est une gentille fille de bonne famille. Être une fille aux Comores, c'est pas facile...

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